La Guinée est ce pays que dame nature a gratifiée d’immenses ressources naturelles parmi lesquelles, les mines. A cause de leur contenu « riche », certains qualifient d’ailleurs le pays de « scandale géologique ». Mais si pour certains, ces ressources constituent une opportunité inégalée de sortir le pays de la pauvreté, pour certains c’est un scandale de voir toutes ces richesses qui ne profitent pas aux populations, toujours plongées dans l’extrême pauvreté surtout en milieu rural.
Ainsi, malgré l’abondance des sociétés minières intervenantes dans le pays, les communautés locales des zones d’exploitation ont de la peine à amorcer un développement durable.
Cette « frustration » des communautés entraine souvent des conflits dans ces localités minières. Pourtant, des dispositions du code minier indiquent clairement les droits de ces communautés, mais aussi leurs devoirs souvent ignorés, ou mal interprétés.
Il s’agit du contenu local, qui s’inscrit justement en droite ligne de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). Le secteur minier, est aussi un secteur qui emploie aujourd’hui de nombreuses personnes vivant sur ces sites riveraines des entreprises minières.
Des communautés qui, souvent manifestent pour exiger l’emploi des habitants parfois, avec des conséquences sur les installations, et d’autres victimes parfois en vies humaines.
Toutes ces situations sont pourtant évitables si on respecte le contenu local qui le mentionne.
Qu’est-ce que s’est ? Quelles sont les droits des communautés mais aussi leurs devoirs souvent ignorés ? On en parle avec Mamoudou CONDE, juriste spécialiste des questions minières et responsable « environnement et relations avec les communautés » à « Actions Mines Guinée ».
Pour commencer M.CONDE on entend tellement parler du contenu local lorsque des manifestations surgissent dans les zones minières, mais qu’est-ce que s’est réellement et quel est l’intérêt de son respect ?
Merci pour cette opportunité. Vous l’avez dit, tout le monde parle du contenu local, mais sans véritablement savoir ce qu’il inclut et ses limites aussi. Alors pur vous répondre en des termes simples et clairs, je dirai que l’étude du contenu local dans le cadre de l’analyse de la gouvernance de l’industrie active revêt un intérêt majeur car c’est à travers les actions de développement économique et social que les populations ressentent l’effet positif de l’exploitation des ressources extractives. Je poursuivrais en disant que le « contenu local », représente la contribution au développement économique et social des compagnies extractives par l’utilisation prioritaire des ressources nationales et le renforcement des capacités de la main d’œuvre du pays hôte de l’extraction , en dehors des royalties.
Pour mettre en œuvre, respecter un texte, il y’a des sources juridiques. En ce qui concerne le « contenu local » que pouvez-vous nous dire ? Il faut retenir à ce niveau que les reformes en faveur du contenu local en Guinée, sont contenues dans le code minier révisé de 2011 amendé 2 ans après, c’est-à-dire en 2013.
Je vais vous citer quelques dispositions conformément aux piliers que sont l’emploi, la formation et la sous-traitance. En ce qui concerne l’emploi, il y’a l’article108 qui parle de l’emploi prioritaire du personnel local. On parle aussi de certaines conditions comme du titulaire d’un Titre minier ou d’une Autorisation ainsi que les entreprises travaillant pour son compte qui doivent se conformer aux exigences de la Loi applicable à l’égard des normes de travail.
Sous réserve de l’alinéa 1, le titulaire du Titre minier ou de l’Autorisation devra employer en priorité des cadres guinéens ayant les compétences requises. En conséquence, le titulaire d’un Titre d’Exploitation minière ou d’une Autorisation d’exploitation de carrières doit, pendant la phase de développement, présenter au Ministère en charge de la Formation Professionnelle et à l’Administration minière un plan de formation des cadres guinéens pour leur permettre d’acquérir les compétences exigées par le management de l’entreprise afin d’occuper des postes d’encadrement dans les cinq premières années à compter de la date du démarrage de la production commerciale.
Parlant des emplois étrangers, les permis de travail aux étrangers dans le secteur minier sont délivrés par l’Agence Guinéenne pour la Promotion de l’Emploi (AGUIPE) ou tout service en tenant lieu, après avis de l’Administration minière.
S’agissant de la formation du personnel, l’article 109 exige un plan de formation et de perfectionnement qui devra notamment comporter, l’accueil des diplômés des écoles professionnelles et des universités pour les stages de mise en situation professionnelle pour une durée de six (6) mois et de découverte de l’entreprise pour les élèves et étudiants en formation initiale pour une durée de deux (2) mois. La participation d’employés guinéens à des cours et/ou à des stages organisés en République de Guinée ou à l’étranger.
L’Agence Guinéenne pour la Promotion de l’Emploi (AGUIPE) ou tout service en tenant lieu pourra demander à l’investisseur de compléter la formation des employés guinéens par leur participation à des opérations menées à l’étranger afin de leur donner l’expertise dans les différents secteurs de l’activité minière.
Ces différentes reformes sont l’illustration de cette volonté de rendre le secteur minier plus apte à contribuer au développement du tissu économique local à travers le local content, qui est un concept nouveau et peu connu du grand public.
Justement vu que ce concept est peu connu, et qu’il crée peut-être plus de problèmes qu’il n’en résout on va dire, vous êtes membre de l’association « Actions Mines Guinée », dites-nous que faites-vous pour informer les communautés riveraines de ces entreprises minières ?
Une bonne question je vais dire, donc en ce qui concerne cette situation qui engendre de nombreuses conséquences, sur les installations de ces sociétés minières, des victimes aussi humaines, comme on la voit ces derniers temps notamment dans la région de Boké, nous agissons pour changer la donne. Pour se faire, nous organisons des sessions de formation, des campagnes de sensibilisation sur le respect des dispositions légales et surtout l’importance de maintenir un climat de paix afin de développer notre pays, car avec des manifestations à répétition, nous n’arriverons à rien il faut avoir le courage de le dire, et d’agir dans le sens de la préservation de la quiétude sociale. Que les sociétés minières aussi, tiennent leurs engagements, respectent ces communautés qui les abrite et sans lesquelles, leurs activités ne sauraient prospérer. Chacune des parties se doit de respecter ses engagements et ses d’accomplir ses devoirs.
Il n’y a que de cette manière en connaissant ses droits et surtout ses devoirs, dans le domaine minier et dans tout autre d’ailleurs, qu’on arrivera à préserver la paix, préalable à tout développement.
M. CONDE avant de se quitter quels sont selon vous les défis de ce secteur porteur de croissance aujourd’hui dans notre pays ?
Ils sont nombreux à mon avis. Il faut mettre en priorité, l’adoption des textes d’applications des articles du code minier qui parlent du contenu local. La formation de la main d’œuvre locale, la qualification des entreprises/PME/PMI pour respecter les exigences des entreprises, accroitre la capacité technique et financière des entreprises locales afin d’assurer la sous-traitance des multinationales, l’application effective des dispositions du code minier. De mon point de vue, il faut également sanctionner tant les sociétés minières que les communautés pour non-respect des quotas fixés par la loi, pour les sociétés minières et d’actes de vandalisme pour ce qui concerne les citoyens. Car je le disais, les communautés ont certes des droits, mais elles ont aussi des devoirs vis à vis de l’Etat et des sociétés minières, c’est important de le leur rappeler.
Un entretien réalisé par Idiatou CAMARA