La coentreprise Rio Tinto-Alcoa, soutenue par la Banque mondiale, réinstalle un village pendant le confinement de Covid-19

 Pendant que les populations à travers la Guinée sont confinées sur place à cause de la pandémie du COVID-19, une coentreprise détenue par les géants miniers Alcoa et Rio Tinto a réinstallé plus d’une centaine de familles pour agrandir sa mine de bauxite tentaculaire. Les résidents du village d’Hamdallaye dans la région de Boké en Guinée, qui ont cherché à obtenir réparation pour la perte de leurs terres ancestrales et de leurs moyens de subsistance à cause de la mine, affirment que la Compagnie des Bauxites de Guinée (CBG) les a déplacés vers un site de réinstallationin achevé sans logement adéquat, l’eau et l’assainissement, ou suffisamment de terres arables et de moyens de subsistance durables.  La décision imprévue a été mise à exécution avant le début d’une médiation longuement attendue sous les auspices de la Banque Mondiale entre la communauté et CBG prévue en mars 2020, mais qui a dû être reportée à cause de la pandémie de COVID-19, entre autres.

Un rapport publié ce jour par certaines organisations guinéennes, en l’occurrence le Centre du Commerce International pour le Développement (CECIDE) et l’Association pour le Développement rural et l’entraide mutuelle en Guinée (ADREMGUI), et Inclusive Development International, une ONG basée aux Etats Unis, documentent comment le déplacement du village d’Hamdallaye par CBG enfreint les exigences environnementales et sociales de la Société Financière Internationale (SFI), l’organe de crédit au secteur privé de la Banque Mondiale. Pour rappel, la SFI a financé le projet d’expansion de CBG avec un groupe de bailleurs de fonds publics et privés des Etats Unies, de l’Allemagne et de la France.

Selon le rapport, la poussière et le dynamitage lors des activités d’exploitation minière de CBG ont rendu les conditions de vie dans l’ancien village bicentenaire de la communauté insupportables et donné peu d’autre choix que d’accepter d’être déplacés. Les familles ont été déplacées, en plein confinement décrété par le Gouvernement, vers un site de réinstallation inachevée, avec uniquement un puits qui fonctionnait lors du déplacement, ainsi que les maisons inachevées et autres infrastructures mal construites.

Contrairement à leur ancien village verdoyant, le site de réinstallation est situé sur une colline qui faisait précédemment l’objet d’exploitation minière, sans arbres ni une couche de terre arable, ce qui rend la terre non arable et dépourvue de tout ombre pour abriter les familles déplacées contre la chaleur intense qui s’abat sur cette zone.

« Sans terres cultivables, les activités économiques sont pratiquement inexistantes depuis notre déplacement, » a déclaré Mamadou Lamarana Bah, un représentant de la communauté de Hamdallaye. « Les conséquences de la perte de terres et de moyens de subsistance ont été catastrophiques pour les conditions de vie des villageois. La plupart des gens sont à court d’argent. Certains ont été réduits à partir pour les villages environnants… ou vers la frontière avec la Guinée-Bissau pour faire du charbon. »

La coentreprise Rio Tinto-Alcoa n’a pas respecté les normes internationales et son engagement envers ses prêteurs de fournir à la communauté des terres alternatives “équivalentes” en compensation à la perte de ses terres au cours des dernières années  CBG a apparemment affecté une parcelle de 56 hectares à proximité du site de réinstallation pour des activités génératrices de revenus, mais un rapport de suivi indépendant de 2019 mandaté par les financiers de CBG a révélé que cette parcelle de terrain, comme le site de réinstallation résidentiel, est un ancien site minier non réhabilité qui ne convient pas à agriculture. Il ne s’agit pas non plus de remplacer la quantité de terres que la communauté de Hamdallaye a perdues au profit de la mine. Les images satellite analysées pour le rapport indiquent que CBG a pris plus de 1000 hectares (10 kilomètres carrés) des terres agricoles ancestrales de Hamdallaye depuis 2005.

« Le déplacement de la communauté d’Hamdallaye dans des conditions qui ne font qu’exacerber leurs conditions de vie dans une crise sanitaire mondiale sans précédent est le sommet de l’irresponsabilité, » a déclaré David Pred, Directeur Exécutif d’Inclusive Development International. « Les pratiques déplorables de CBG en matière d’acquisition et de gestion de terres et de sources d’eau sont très éloignées des normes auxquelles ses principaux actionnaires Rio Tinto et Alcoa prétendent souscrire et que ses bailleurs de fonds exigent. »

La réinstallation physique des familles d’Hamdallaye par CBG a débuté le 21 mars 2020, le même mois où un processus de médiation, longuement attendu, devait commencer sous les auspices du conseiller-médiateur pour l’application des directives de la Banque mondiale (CAO). CBG s’était engagée à participer au processus de médiation en réponse à une plainte déposée par les résidents de 13 villages, dont Hamdallaye, qui accusent la société d’accaparement de leurs terres ancestrales, détruisant ainsi leurs moyens de subsistance et l’environnement local. Les griefs relatifs au déplacemen tdu village de Hamdallaye figurent en bonne place dans la plainte. La médiation a dû être reportée sine die à cause de la pandémie de COVID-19.

« Il est profondément regrettable de constater que CBG n’a pas retardé la réinstallation de la communauté d’Hamdallaye jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé sur des conditions équitables au travers du processus de médiation, » a déclaré Pascal Tenguinao, Directeur Exécutif de CECIDE. « Nous espérons que les dégâts causés à cette communauté ne sont pas irréversibles et qu’ils seront corrigés dans les meilleurs délais. »

Les organisations citées plus haut ont invité les bailleurs de fonds de CBG à insérer le respect des exigences environnementales et sociales dans les conventions de prêts et exigent que la société s’assure de la mise en conformité du projet.

Mme Rougui CISSE SYLLA Responsable Communication CECIDE

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